2012

Exposition Halle aux Bleds

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers

L’exposition à la Halle aux Bleds « Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers » extrait son titre d’un poème d’Arthur Rimbaud (Sensation).
En 1870, il n’a alors que 16 ans mais aspire de sa ville natale de Charleville-Mézières, à la découverte du monde. L’exposition est construite à la façon d’un jardin intérieur à la ville, invitant à la découverte du lieu, une ancienne collégiale gothique dont les éléments architecturaux les plus élancés évoquent de hautes futées. Quatre oeuvres, quatre artistes éclairent la définition du jardin d’Alain Roger « un tableau vivace, contrastant avec la nature environnante ».

La nature environnante est dans ce cas d’espèce à la fois l’architecture gothique du lieu et l’environnement urbain, le tout formant un décor. Le dictionnaire de l’Académie Française définit ce dernier en ces termes : « ensemble des éléments qui, dans un spectacle, représentent ou évoquent le lieu de l’action ». Etant les lieux du spectacle convoqué, à savoir la création, on accorde donc ce terme de « décor » aux éléments architecturaux de la Halle aux Bleds et de la ville de Saint-Flour. Au sein de la Halle aux Bleds la voûte reconstruite en 1998, recouvrant les canons gothiques, semble devenue par le bois employé un décor ; une copie de ce qu’elle fut peut-être.

Lire la suite

Le mobilier réalisé pour l’occasion, à la fois support pour les oeuvres et l’accueil, oscille entre éléments de décor et objets sculpturaux, entretenant avec la voûte un dialogue spatial et matériologique. Les oeuvres de Jean-Claude Ruggirello, Eric Poitevin, Davidé Balula et de Tania Mouraud construisent un jardin perdu entre un sous-bois évocateur d’abandon, un paysage fuyant dont on s’attend à tout instant à la disparition, un amandier venu du pays de Canaan et des plantes urticantes se développant au rythme d’un coeur absent. Le tout dessine l’imaginaire du jardin, celui à jamais perdu mais toujours recherché avec des orties pour piqûre de rappel. Le jardin ainsi constitué est le pointde départ pour découvrir les oeuvres des artistesde la biennale. Eux-mêmes contraints dans le tissu urbain aux sentiers définis au coeur d’un décor prédéterminé par l’histoire. L’invitation faite aux artistes, à savoir prendre possession des lieux, détermine une certaine idée du résultat pour peu que leur travail soit connu, voire apprécié. Il en va autrement du mélange de personnalités diverses, de démarches toutes aussi singulières à la réalisation fantasmée dans le contexte donné, d’une exposition à ciel ouvert. Le choix d’inviter ces artistes, Emilie Perotto, Sebastien Maloberti, Cécile Hesse et Gaël Romier, Antoine Aguilar, Aurélien Porte, et Marc Geneix réside dans la conviction qu’ils sont dans la disposition de répondre au local tout en s’adressant à l’universel, de l’autochtone au voyageur. Illustrer le lieu est ce qui doit être évité, aller au-delà est une nécessité. Dans la situation de production énoncée, l’équilibre est tendu entre un processus de réappropriation de l’espace qui de façon générale, ne peut être à la seule charge de l’artiste et l’impérieuse nécessité à interroger le lieu. 

Ici, l’histoire a toute sa prépondérance avec  le monument comme mémoire. Et s’il ne fait pas l’histoire, il en détermine la trace. Dans l’industrie touristique, il suffit parfois d’une image pour faire un monde, entendu ici comme récit.

Pour l’artiste il en va de même, l’oeuvre fait un monde. C’est bien dans cette relation que les artistes ont construit un récit et en déterminent le monument.

Le monument est un archétype de l’art. Monumentum en latin, signifiant ce qui « rappelle, se qui perpétue le souvenir ». Très vite l’homme l’associa à ce qui est par la taille grand, imposant, qui dépasse le commun, une sorte d’indice au sein de l’espace public. Dans ce registre, l’art contemporain a eu un rapport difficile ou hésitant avec la notion de monument. Pour fuir cet archétype, l’artiste inventa l’installation comme contre monument du fait de sa précarité,
de sa mobilité et de son caractère éphémère comme principe de construction, sorte de paysage interne au récit ranimé.
Il s’agit à Saint-Flour d’activer des monuments inexistants, des récits inconnus. Emilie Perotto, Sébastien Maloberti, Marc Geneix, Aurélien Porte ont produit des monuments pour la mémoire de tous et particulièrement celle du lieu. Monuments dont demain il ne restera rien ou si peu. Peut-être un souvenir d’horreur dans le pire des regards, d’interrogation ou d’admiration pour ceux indulgents ou sincèrement enthousiastes. Antoine Aguilar, Cécile Hesse et Gaël Romier évoquent une sorte de monument du pixel,de l’image en mouvement à la révélation de l’image capturée et figée, oscillant entre le minuscule et le gigantesque, entre présence et luminescence, mais dont la puissance mémorielle de l’image, dans le sens de l’imprégnation, n’a jamais été égalée.
L’ensemble de ces monuments qui composent une perturbation éphémère, renvoient à la réalité des oeuvres exposées dans les musées. Ensemble d’oeuvres qui manifestent les préoccupations esthétiques des artistes invités, devenant, par leur emplacement dans les parcours muséographiques, des sortes de monuments, échafaudant des ponts entre l’espace public comme atelier et lieu de présentation et l’intrusion dans un espace intérieur valorisant ce qu’il contient. Les deux dispositions spatiales sont vouées à diriger, à construire des parcours. Les oeuvres en présence n’ont d’autre principe que celui de bousculer les sentiers balisés de la ville et des parcours patrimoniaux « Par les soirs bleus d’été ».

Chemin d’art 2012

Les oeuvres