Sébastien MALOBERTI

Vit et travaille à Clermont-Ferrand

Sébastien MALOBERTI

Son oeuvre à
Saint-Flour

La demande pour le menhir est, à l’heure actuelle, pratiquement nulle.

Un texte de Simon Feydieu

L’implantation des premiers dolmens européens débute environ 5000 ans avant J.-C. Cette pratique relevant du mégalithique, s’attache
à l’érection de pierres grossièrement taillées dans la masse, mettant au premier plan des préoccupations d’orientation et de positionnement de ces volumes dans des espaces nus. Le détachement vis à vis du site et de son patrimoine est sans nul doute la première observation que nous pouvons faire face
à l’oeuvre monolithe de Sébastien Maloberti. Elle est érigée sur un socle en planches de coffrages brutes, disposé dans la cour des Agials durant la Biennale de St Flour.

Pour des raisons politiques diverses, les piédestales ont souvent mieux survécu à leur sculpture : de la fourth plinth de Londres 2, aux sculptures ornant les toits des églises de la place Gendarmenmarkt bombardés en 1943 de Berlin ou encore la statue de Auguste Burdeau à Lyon, fondue sous l’occupation à des fins militaires.
Ici le socle n’a vocation qu’à éluder une implantation définitive de l’oeuvre dans l’espace public. Ce piédestal sommaire isole du site plus qu’il ne magnifie la sculpture. Ce “monument” est paradoxalement et potentiellement itinérant, au même titre qu’une grande roue ou un stand d’auto-tamponneuse, et ne saurait être patrimonial dans le sens où il ne témoigne ni ne rend hommage à un événement, à une personnalité, ou une communauté identifiables.
La surface de la sculpture est peinte à l’aérographe et reproduit le motif très ostentatoire de grenouilles amazoniennes, vénéneuses et endémiques 3. Outre une ironie pop-exotique, elle dégage un refus manifeste et irrévérencieux de considérer l’oeuvre d’art dans l’espace public comme une inscription harmonieuse avec le patrimoine local. Prenant le contrepied du camouflage, comme intégration d’un sujet dans son environnement immédiat, elle se détache de manière criarde, selon une stratégie darwiniste incongrue : la survie par la surexposition. Telle une foire au menhir en toc (structure en polystyrène recouverte de fibres de verre vernis) aux allures foraines, Tropical Monument constitue une attraction dans l’espace de la ville, tolérée pour un temps limité.

Dans l’album Obélix et Compagnie de Goscinny et Uderzo, un romain s’emploie à corrompre et diviser les résistants gaulois en leur achetant leurs menhirs, créant ainsi une demande artificielle dépassant l’offre et introduisant dans leur micro-société de nouveaux concepts tels que la spéculation, la surproduction, la transaction et l’exportation d’une figure par essence inamovible et inaliénable. La figure du monolithe, en tant que forme élémentaire, a toujours eu un fort pouvoir allégorique. Telle une figure totémique, elle domine et rassemble. Que ce soit le monolithe noir dans le film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick ou les Moaïs de l’île de Pâques, les formes archaïques demeurent contemporaines dans le sens où nous, en tant que contemporains, persistons à fantasmer leur genèse.
En 2007, l’artiste français Franck Scurti reproduisit des sculptures modernes pour y intégrer des détériorations stylisées, sous forme de graffitis en bas-relief (What is Public Sculpture ?). Si le ton y est résolument
urbain, humoristique et s’attache à revisiter un héritage moderne confronté aux contingences de son entretien,
Sébastien Maloberti s’engage dans des préoccupations patrimoniales plus universalistes. Mélangeant exotisme endémique, culture foraine itinérante, et archaïsme cultuel régional, Sébastien Maloberti propose alors une oeuvre au titre antinomique, abordant la fragile pérennité d’un objet culturel et/ou cultuel, dans l’espace public ; un monument romantique et déraciné qui ne saurait plus témoigner que de lui-même.

Simon Feydieu

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Son oeuvre