2014

Exposition La Halle aux Bleds

Georges, si tu voyais ça

Chemin d’art 2014 invite six artistes français à réaliser une oeuvre dans l’espace public de la ville de Saint-Flour (Cantal). Simultanément la biennale accueille une sélection d’oeuvres du Musée national d’art moderne, du FRAC Languedoc-Roussillon, du Musée d’art et d’archéologie d’Aurillac et de Roland Cognet (Galerie Claire Gastaud) sous le titre de « Georges, si tu voyais ça » dans la Halle aux Bleds, bâtisse du XVe siècle, au coeur de la cité médiévale, pour se souvenir du Président Georges Pompidou enfant du Cantal et député de la circonscription de Saint-Flour disparu il y a tout juste 40 ans (1974-2014).
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La biennale d’art contemporain Chemin d’art est de retour dans les murs de la cité historique. Comme en 2012, elle souhaite renouveler les approches esthétiques et les points de vue sur la ville, son histoire, son patrimoine architectural et paysager. Les créations réparties dans l’espace public, du sol au ciel, se vivent comme une perturbation de l’espace commun et permettent une plus large audience auprès d’un public peu habitué aux lieux dédiés à l’art d’aujourd’hui. Les artistes avisent dans une situation renouvelée de création entre le principe coutumier de l’atelier et celui ponctuel et singulier du centre d’art dans la ville. Les artistes invités ne sont pas soumis au seul cadre architectural mais aux pratiques sociales, à l’histoire du lieu, au patrimoine. L’ensemble figure le nouveau contexte de l’atelier, un nouveau cadre de production. La ville de Saint-Flour devenant le cadre renouvelé du centre d’art, une sorte de parc d’attraction où sont testées non les attractions du divertissement forain mais celles de la création. Les deux ayant une finalité commune, l’acte de fréquenter, c’est-à-dire d’expérimenter des émotions enfouies. Les artistes à l’instar des forains sont attendus dans le registre de l’enchantement.

La biennale s’organise sur un principe simple, celui du rayonnement à partir de la Halle aux Bleds, point de départ du cheminement dans la cité. L’exposition de la Halle aux Bleds s’intitule « Georges, si tu voyais ça ». Le titre est un hommage au Président Georges Pompidou disparu il y a juste 40 ans (1974-2014). Elle est aussi une façon de se souvenir de l’homme de culture et du créateur du centre culturel parisien qui porte aujourd’hui son nom (Centre Georges Pompidou). C’est aussi une trace d’humour, on le souhaite ainsi, d’imaginer la rencontre de ce grand personnage et des artistes d’aujourd’hui ; c’est en quelque sorte organiser un dialogue fictif dont seules les œuvres en présences en dessinent la pensée. La question de l’animal mobilise la production contemporaine. Dans l’écrin patrimonial de l’ancienne collégiale, la Halle aux Bleds, à l’histoire si mouvementée, où elle fut lieu de culte et de commerce, ce prestigieux monument a été aussi façonné pour l’animal. L’exposition propose un effet de résonance à cette histoire. L’exposition par le biais de l’animal et sa représentation propose un parcours initiatique dans l’histoire de l’art, entre représentation sculpturale et bidimensionnelle, dans un exercice fictif où au fur et à mesure l’animal perd ses contours, sa plastique pour devenir une pensée onirique pour un homme de plus en plus affranchi de sa présence au point que celle-ci se résume à un objet de compagnie ou à un indice de profit au sein d’un tableau d’amortissement.

L’art occidental a longtemps cantonné l’animal à un rôle de faire-valoir, tant pour représenter – c’est un motif agréable à peindre et à sculpter – que pour signifier la toute puissance de l’homme ne tolérant l’animal que dans la domestication. La pensée contemporaine s’efforce à penser l’animal autrement, d’autant plus que nos sociétés occidentales n’en ont plus une impérieuse nécessitée. On peut dire qu’une relation de bons voisinages s’installe, construite sur des rapports d’affection, voir nostalgique d’un temps sublimé où l’homme et l’animal vivaient sous le toit commun d’une ferme, d’un commerce ou du logis. La création contemporaine joue de ses nouveaux rapports plus ou moins affectifs ; l’animal devenant un ressort émotionnel. De l’animal domestique à l’animal sauvage, en passant par l’animal représentant de l’ordre, la création contemporaine révèle ainsi l’animalité présente en tout homme. L’animal est et fut l’objet d’un certain exercice du pouvoir, entre domestication et éradication. Délicat exercice pour l’homme qui, ici comme ailleurs, crut au début du XXème siècle, en tuant les derniers loups, devenir le maitre des lieux, alors même que les traces de sa présence sont aujourd’hui avérées.

De la Halle, le visiteur muni du plan est invité à parcourir les rues et les places à la découverte des dix œuvres créées par les artistes invités. Les œuvres produites construisent un parcours, une somme d’interventions artistiques individuelles. Et pourtant, elles forment un tout cohérent qui raconte une histoire, du moins elles arrangent un récit commun non voulu mais façonné sans doute par le lieu même. Il existerait donc une disposition de certain lieu à générer un récit en perpétuel édification. C’est sans doute cela que la biennale, les artistes révèlent de Saint-Flour. Le récit de cette année s’éloigne de celui construit précédemment autour de la question du monument. Anne Brégeaut choisit des points de vues, des lieux qui poussent les mots. Des mots simples ou agencés qui sont lancés à tous et dits par tous. De cette ville perchée sur son éperon, les mots voyagent, parlent au monde. Hugo Livet imagine prendre la ville, du moins un de ses bâtiments, un de ces trois lieux de culte, l’église Saint-Vincent, signifiant ainsi la difficulté séculaire à prendre la ville. Stéphanie Cherpin raconte une histoire inscrite dans la matière, un conte populaire qui se dessine sur un mur d’enceinte, avant de passer la porte du Thuile. Vincent Carlier imagine des formes tropicales qui furent un temps présentes sur des paysages inversés dont l’architecture est le substrat, une sorte de paysage renversé. Laurent Perbos répartit les forces entre la pierre volcanique et la fonction de la chose créée. Il imagine une autre réalité. Hervé Bréhier organise des liens entre des matériaux qui génèrent des savoirs différents, tous issus de l’observation de l’espace urbain sanflorain.

Cet ensemble forme un récit qui aurait pour source l’imaginaire, c’est à dire ce qui « se dit en particulier et exclusivement de l’ensemble des thèmes et des situations qui caractérisent l’imagination d’un auteur, d’un peintre » pour reprendre la définition de l’Académie Française et qui précise « qui n’a pas de réalité ». La réalité est ici présente par les œuvres proposées. Elles sont autant d’éléments d’un imaginaire artistique. Cet imaginaire devient réalité par les liens possibles qui se dessinent entre les œuvres, les démarches des artistes. Ici, cette année, le récit invite au voyage des mots, des points de vue, à la matérialité des médiums. Il y a quelque chose de suspendu dans ce parcours dont les artistes sont les concepteurs. Une conception qui se veut au-dessus de la mêlée des hommes et des véhicules. Etre au-dessus semble être le maitre mot, le lien entre les œuvres et la ville faite de pierre et d’air. Les animaux de la Halle habitent le lieu, les artistes occupent l’espace. Le dialogue entre Georges et les autres, pour plagier un titre de film de Claude Sautet (Vincent, François, Paul et les autres), c’est à dire les artistes, se construit comme une évidence une sorte de poésie de l’espace. Georges Pompidou aurait su dialoguer avec eux de poésie, celle qui lie le verbe et la forme, celle des origines où par poésie on entendait art.

Chemin d’art 2014

Les oeuvres