Vincent Croguennec

Vit et travaille à Saint-Denis.
Vit et travaille à Saint-Denis.

Les feuilles volantes de Besserette

Pour la biennale 2018, j’ai été invité à intervenir dans le quartier Besserette autour du chantier de l’école primaire afin d’engager un travail dans le champ des écritures artistiques urbaines, la palissade et le mur comme support d’expression.

Besserette est un quartier à l’histoire récente. Construit sur l’emplacement d’une an-cienne exploitation agricole, sur l’axe routier Saint-Flour Aurillac, sur la pente de la pla-nèze, le quartier s’organise au fur et à mesure des lots offerts à la vente. Chaque lots possède son identité architecturale, notamment avec la couleur des couvertures, toits rouges, toits bleu, et récemment les toits en tuile canal. L’ensemble témoigne des évolu-tions de l’habitat de ces cinquante dernières années. Des bâtiments des services tech-niques de la ville, au centre, on comprend plus qu’ailleurs l’histoire du quartier. En bien des caractères, il est représentatif des utopies urbanistiques de la fin du siècle dernier. Aujourd’hui, il connait des mutations sociologiques importantes avec le renouvellement générationnel de la population et une requalification des bâtiments publics et des es-paces.

Que faire de cette histoire ?

Lire la suite
Je me suis lancé dans une production de dessins et d’écritures à l’encre noire, jetés sur le papier à l’aide d’un gros pinceau, dans une expression assez brute, allant plutôt vers le signe, sans esquisses préalables, composés au gré de l’énergie, du rythme de l’instant. Ils s’inspirent d’un ensemble anarchique de petites anecdotes, de clins d’oeil, de termes ou de références relevées lors d’une première visite du quartier et de la ville, mêlées de manière plus ou moins fantaisiste ou décalée à des questionnements relatifs à la place accordée de nos jours à l’expression artistique dans la cité, dans la rue.

Sur la presse typographique d’Anatole Wiener à la Briche (à Saint-Denis), j’ai infligé à ces dessins un ou plusieurs passages colorés.
Un papier de soie est encollé à la colle repositionnable sur chacun des dessins, puis il est découpé ou déchiré de manière plus ou moins hasardeuse ou construite, comme un pochoir, avant de passer sous presse. Ce procédé technique élaboré spécialement pour ce projet offre un champ d’expérimentation riche, où l’imprévu et la surprise ont un mot à dire.
L’ensemble constitue une série d’affiches faites à la main, produite de manière relativement boulimique, compulsive et spontanée, posant sur le papier les pistes d’une réflexion autour d’une implantation graphique dans le quartier.

Parallèlement, j’ai dessiné 3 palissades, les «feuilles volantes», qui constitueront le support privilégié de ces premiers visuels qui s’afficheront comme autant d’annotations dont on peut espérer qu’elles engageront la population à s’exprimer sur les palissades encore vierge.
Être dans ce quartier.

Dans le processus de travail, le lien à l’autre, à ceux qui habitent le quartier depuis sa création, à ceux qui l’ont rejoint plus récemment, constitue un centre, un pivot.
En septembre, Besserette sera mon atelier. Ma présence sur place me permettra de faire de l’espace des feuilles volantes une sorte de tableau évolutif qui sera probablement décomposé en plusieurs actes, plusieurs étapes qui pourront éventuellement prendre plusieurs formes : performance, rencontres, exposition, workshop (avec le groupe scolaire et des associations locales notamment).
Avec le vent sanflorain, je pense que les feuilles s’envoleront pour aller se ficher ici et là, du chantier à l’école en passant par les murs des transformateurs électriques et autres supports propices…
J’aimerai que la dynamique enclenchée ouvre une fenêtre pour les habitants, les jeunes, et qu’ils s’approprient, s’emparent de ce médium d’expression, qu’ils participent ou influencent d’une manière ou d’une autre ce qui se jouera à cet endroit de la ville; en somme être dans ce quartier.