Mathieu Menard

Vit et travaille à Vannes
www.mathieumenard.fr

Mathieu Menard

Son oeuvre à
Pierrefort

Sortir du cliché…

Invité en résidence d’artiste dans le Cantal, sur le territoire de Saint-Flour Communauté à l’occasion des Olympiades de la Culture 2024, Mathieu Ménard s’attarde sur des pratiques sportives peu ouvertes jusqu’à maintenant aux femmes et sur les coulisses du sport là où les regards se posent le moins.

 

Héritier direct d’une photographie humaniste, Mathieu Ménard s’attarde davantage sur l’humain que sur le geste. Malgré le mouvement, il s’agit bien là d’une série de portraits individuels et qui se trouvent être le plus souvent des femmes, comme souvent dans les séries de portraits qu’il réalise autour de thématiques plutôt sociales : depuis celles de la Halte, série sur les femmes sans-abris qui ont marqué ses premiers travaux personnels et fait de lui le lauréat du Prix Voltaire 2020 conjointement organisé par le Centre des monuments nationaux et le Festival Confrontations en pays de Gex aux Handballeuses et aux Rugbywomen.

 

On pourrait bien sûr penser que la vulnérabilité des unes est compensée par la combattivité des autres, mais ce serait mal connaître Mathieu Ménard qui, en toute bienveillance et avec beaucoup de pudeur, aime déceler chez chacun, et en particulier chez chacune, la cohabitation de ces deux tempéraments opposés.

 

Ceux du sport ne sont pas tous dans la lumière mais en arrière-plan, peu visibles alors qu’ils jouent un rôle capital toujours au service du sport : musher, dresseuse de chevaux à la pratique éthologique, dameur, secouriste ou couturière… Tous, préparateurs ou sportifs, sont fortement engagés et impliqués dans une dimension sociale du sport : insérer des jeunes en centre éducatif fermé, des personnes empêchées, handicapées.

 

Dans cette série de portraits réalisée dans le département du Cantal, la présence de femmes s’avère une fois de plus particulièrement prédominante. Lorsqu’elles sont sportives, les femmes osent un sport qui se conjugue communément au masculin (rugby) où elles sont pionnières dans la région et ont encore du mal à recruter dans leur équipe de bon niveau, les autres pratiquent le handball. De cette rencontre portrait et sport naissent plusieurs séries formidables : la série induit un temps long alors que le geste est furtif et ultra rapide. Les Handballeuses et Rugbywomen sont photographiées durant un entraînement : il fait sombre, la lumière du terrain découpe les visages et s’attarde sur l’arrondi du ballon, l’œil pétille, les sourires sont de la partie, promesse de prévenance et d’une certaine sensualité qui soudainement se heurte à la dureté des gestes et des déterminations qui n’épargnent ni rien ni personne et ne s’économisent pas. Ce contraste devient une sorte d’oxymore visuel : sourire et hardiesse, douceur et intransigeance, respect et domination. Ces portraits en série, sont non seulement ceux de chaque personnalité, mais constituent un corpus : le portrait d’une équipe, d’une chaîne d’individualités œuvrant dans une même direction avec des valeurs communes : solidarité et partage.

 

Car dans ce corpus précisément c’est la dimension sociale qui s’exprime prioritairement. Un socle capital pour Mathieu Ménard qui connait le sens du mot partage. Cet ancien instituteur devenu photographe après avoir été dix ans éditeur considère que le sujet doit impérativement être traité dans toute sa profondeur et qui, pour ce faire, met en pratique l’indiscutable consigne laissée par Henri Cartier-Bresson : « Photographier c’est mettre sur la même ligne de mire la tête, l’œil et le cœur »*.

En l’occurrence, Mathieu Ménard vise plutôt bien.

Anne Lesage

 

 

*In. De qui s’agit-il ? Henri Cartier-Bresson

Anne Lesage  est cheffe du pôle images du Centre des monuments nationaux

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“Prolongations”

Rencontre avec l'artiste