Martin Belou

Vit et travaille à Marseille

Le Chant du monde

Le Chant du monde est un roman mythique écrit par Jean Giono en 1934. Pour la première fois, l’auteur se détourne des terres arides de sa Provence natale et place au cœur de son récit un paysage liquide qui anime Antoine, l’autre protagoniste de l’épopée, aussi appelé « homme du fleuve » et « Bouche d’or ». Le Chant du monde est aussi l’œuvre réalisée dans le cadre de la Biennale Chemin d’art par Martin Belou, artiste glaneur qui n’a de cesse d’expérimenter les agencements du vivant et du commun. Son œuvre partage avec le roman de Jean Giono l’égard porté aux relations et aux transformations mutuelles entre les paysages, les humains, les montagnes, les cours d’eau et le passage des saisons. Installées dans la commune de Paulhac et à ses abords, les sculptures de Martin Belou semblent emprunter les voies déjà suivies par les cours d’eau, par les bovins et par les humains qui, à leur tour, ont façonné un paysage de plateaux volcaniques et de vallées glaciaires.

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Il faudra une carte et une attention renouvelée à notre environnement immédiat pour localiser l’ensemble de ces interventions insérées dans plusieurs strates d’histoires naturelles et culturelles. Mais c’est au gré de nos déplacements que l’artiste nous propose de découvrir des anneaux d’attache, des formes et des représentations de vaches à des croisements de routes, à proximité de ponts et de croix. Simplement associées à des pierres dressées, à des bornes ou à des fontaines, les sculptures en bronze réalisées par Martin Belou se lient à un ensemble de croyances et de pratiques millénaires pour souligner leur permanence dans le paysage et dans les usages. S’il prête à la plupart de ses modelages les traits de génisses et de taureaux, c’est moins pour leur valeur symbolique ou sacrée que pour unir à nouveau bêtes et humains sur les mêmes sentes. Pour autant, ses sculptures et ses bas-reliefs portent en eux des fragments de représentations passées, telles que celles des aurochs dans les grottes ornées européennes, celles du dieu Apis en Egypte ou encore celles du taureau fertile de la mythologie grecque. Le chant du monde, c’est aussi l’union de ces voix multiples et anciennes, qui se nouent avec la commune et entrent en résonance de manière singulière avec les prairies de pâturage. Ces transformations imperceptibles et progressives que Martin Belou insère dans le territoire s’inscrivent dans ses expérimentations passées, où l’évolution d’éléments organiques, l’action de la chaleur, le passage des visiteurs·euses ou encore les effets de la lumière agissent sur la perception et la compréhension des interdépendances entre les récits, le vivant et le non-vivant.

Adélaïde Blanc