Son oeuvre à
Deux-Verges
Dans un village il y a une maison, une toute petite maison
Quatre mètres sur deux
Dans cette maison il y a
Le feu
pas celui qui brûle, l’autre
On y entre
On y trouve un peu de ce qu’il y a au-dehors tout autour, dans la forêt quand on va vers le Puy
et avant, près des routes et dans les jardins
Les murs en pierres et mousse, le bois des arbres pour la charpente et les volets
Dans cette maison il y a
L’amie près du feu
On la salue, elle est de toutes les formes
de poils, de plumes, de peaux
Une chienne – appelons-la Polka, le lichen et les oiseaux acrobates sont passés par là
reste leur douceur décalquée sur le mur
Dans cette maison il y a
Des souvenirs
en forme de bibelots nichés dans les murs épais
Une odeur
pot pourri “sous-bois” mélangée à celle du café chaud
Tout est à portée de mains dans cette maison
C’est agencé comme dans une tête, à gauche les pensées furtives, à droites les émotions,
au centre les images
On se met à table
À bout de bras on attrape livres, tasses, fleurs et napperon
On est bien
C’est parti
En tournant les pages apparaissent couleurs en pagaille, crayonnés pastels, taffetas soyeux,
enduits poncés et chansons griffonnées
On repense à la balade de tout à l’heure
Un rocher-géante était là: cheveux longs, nez crochu et yeux mi-clos,
tête légèrement penchée qui repose sur un chemisier vert mousse col claudine
est-ce qu’un tapis de feuilles mortes peut se porter en cape ? lui demandais-je
oui, tout se porte, avec de bons ciseaux, du fil et une aiguille
et pour les chaussures ?
semelles de granit pour la prestance
déplacement gauche deux pas
tête dans la capuche
prendre son temps*
On continue
On réveille le papillon lové entre deux pages
ses ailes comme des pétales de primevères se détachant d’un herbier
Peut-être qu’un jour on verra
derrière des bouquets de violettes dessinés à même le mur
un nuage coloré “papillon-primevère”
Dans cette maison il y a
Un ami tarte aux fruits
il nous attendait
Des amandes pour les yeux, une fraise pour le nez et un abricot pour la bouche
La barbe, en crème pâtissière
On grimpe à l’échelle
la tête plongée dans les bourgeons flamboyants du printemps dernier
A l’étage de cette maison il y a
Un paysage moelleux
on s’y allonge
micro-sieste pour rêves express
avant de repartir
Quand on sort il fait nuit, ou presque
On monte dans la voiture et, juste avant de claquer la portière,
on se retourne vers la maison
On y voit
La lueur colorée par la fenêtre qui nous fait signe, comme pour nous dire
tu reviendras
~*~
Marie L’Hours a grandi avec ses trois sœurs et ses deux parents dans différentes régions et pays. Quand elle marche sur les hauteurs de l’Auvergne, où elle vit depuis plusieurs années, elle cherche dans les formes du paysage ses souvenirs, en couleurs et en odeurs, elle y convoque les êtres croisés et chéris, réels ou imaginaires. Quand elle dessine, écrit ou chante, elle nous guide dans une zone façonnée par tout un tas de sensations, d’images et de références. Bien assis dans une peinture, en balade dans une lecture ou une chanson, ou encore vêtus de ses costumes, nous voilà embarqués. Nous la suivons, tressant un lien entre tous ces lieux traversés comme une grande corde flottante et extensible à l’infini, prête à dévier sa trajectoire pour y ajouter une étape.
*didascalies de la performance de Marie L’Hours “Sisters douceur”, La Serre, Saint-Etienne, 2023
Morgane Besnard – Brest – 12.04.2024