Marie L’Hours

Vit et travaille à Clermont-Ferrand
artistesenresidence.fr/fr/residents/marie-l-hours

Marie L’Hours

Son oeuvre à
Deux-Verges

Dans un village il y a une maison, une toute petite maison

Quatre mètres sur deux

Dans cette maison il y a

 

Le feu

pas celui qui brûle, l’autre

 

On y entre

On y trouve un peu de ce qu’il y a au-dehors tout autour, dans la forêt quand on va vers le Puy

et avant, près des routes et dans les jardins

Les murs en pierres et mousse, le bois des arbres pour la charpente et les volets

 

 

Dans cette maison il y a

 

L’amie près du feu

On la salue, elle est de toutes les formes

de poils, de plumes, de peaux

 

Une chienne – appelons-la Polka, le lichen et les oiseaux acrobates sont passés par là

reste leur douceur décalquée sur le mur

 

Dans cette maison il y a

 

Des souvenirs

en forme de bibelots nichés dans les murs épais

Une odeur

pot pourri “sous-bois” mélangée à celle du café chaud

 

Tout est à portée de mains dans cette maison

C’est agencé comme dans une tête, à gauche les pensées furtives, à droites les émotions,

au centre les images

 

On se met à table

À bout de bras on attrape livres, tasses, fleurs et napperon

On est bien

 

C’est parti

 

En tournant les pages apparaissent couleurs en pagaille, crayonnés pastels, taffetas soyeux,

enduits poncés et chansons griffonnées

 

On repense à la balade de tout à l’heure

 

Un rocher-géante était là: cheveux longs, nez crochu et yeux mi-clos,

tête légèrement penchée qui repose sur un chemisier vert mousse col claudine

est-ce qu’un tapis de feuilles mortes peut se porter en cape ? lui demandais-je

oui, tout se porte, avec de bons ciseaux, du fil et une aiguille

 

et pour les chaussures ?

semelles de granit pour la prestance

 

déplacement gauche deux pas

tête dans la capuche

prendre son temps*

 

On continue

 

On réveille le papillon lové entre deux pages

ses ailes comme des pétales de primevères se détachant d’un herbier

 

Peut-être qu’un jour on verra

derrière des bouquets de violettes dessinés à même le mur

un nuage coloré “papillon-primevère”

 

Dans cette maison il y a

 

Un ami tarte aux fruits

il nous attendait

Des amandes pour les yeux, une fraise pour le nez et un abricot pour la bouche

La barbe, en crème pâtissière

 

On grimpe à l’échelle

la tête plongée dans les bourgeons flamboyants du printemps dernier

 

A l’étage de cette maison il y a

 

Un paysage moelleux

on s’y allonge

micro-sieste pour rêves express

 

avant de repartir

 

Quand on sort il fait nuit, ou presque

On monte dans la voiture et, juste avant de claquer la portière,

on se retourne vers la maison

 

On y voit

 

La lueur colorée par la fenêtre qui nous fait signe, comme pour nous dire

tu reviendras

 

~*~

 

Marie L’Hours a grandi avec ses trois sœurs et ses deux parents dans différentes régions et pays. Quand elle marche sur les hauteurs de l’Auvergne, où elle vit depuis plusieurs années, elle cherche dans les formes du paysage ses souvenirs, en couleurs et en odeurs, elle y convoque les êtres croisés et chéris, réels ou imaginaires. Quand elle dessine, écrit ou chante, elle nous guide dans une zone façonnée par tout un tas de sensations, d’images et de références. Bien assis dans une peinture, en balade dans une lecture ou une chanson, ou encore vêtus de ses costumes, nous voilà embarqués. Nous la suivons, tressant un lien entre tous ces lieux traversés comme une grande corde flottante et extensible à l’infini, prête à dévier sa trajectoire pour y ajouter une étape.

 

*didascalies de la performance de Marie L’Hours “Sisters douceur”, La Serre, Saint-Etienne, 2023

 

Morgane Besnard –  Brest – 12.04.2024

 

 

 

 

 

Lire la suite

“Nicher loin des ombres”

Rencontre avec l'artiste