Laurent Terras

Vit et travaille en Corrèze et à Anglet.
Diplômé de l’école supérieure d’art de Toulon.

Régénérescence – Vieillespesse

Pour désigner ses singulières sculptures en dégourdi de grès blanc, Laurent Terras utilise le terme de TechnoFossiles. Il y a quelques années, l’artiste a inventé ce néologisme pour caractériser des objets qui seraient conjointement tournés vers une technologie en passe de connaître une rapide obsolescence, et une fossilisation accélérée par un monde dont la finitude paraît de plus en plus proche.

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Ces sculptures creuses – contenants sans contenus – semblent avoir été asséchées de leur ressource première, mais pas de leur potentiel narratif. Pour la Biennale de Saint-Flour, Laurent Terras propose un ensemble de pièces intitulées Régénérescence, installées au sein du lavoir de Vieillespesse. Ces céramiques ne sont pas de simples moulages de fûts, de bidons et autres bonbonnes, incarnations idéales de notre dépendance aux énergies fossiles. Il s’agit là d’hybrides aux aspects accidentés et à l’apparence monochrome. L’objet industriel n’est plus sujet à fascination, le plastique a disparu au profit de sculptures en terre dont la surface est destinée à accueillir potentiellement toutes les empreintes du temps : poussière, saletés, mousses et autres germinations possibles. Sur la patine, des fractures sont laissées en évidence, comme autant de petites cicatrices permettant justement de dévier les idéaux du plastique, matériau lisse et inerte. Ici, les objets vivent, donnent peut-être même l’impression d’avoir été déposés là il y a longtemps, ou d’avoir été exhumés, qui sait. Quand on s’approche d’eux, on peut voir dans la masse de discrètes ammonites. L’inquiétude que les oeuvres de Laurent Terras convoquent, leur actualité sans doute accablante n’est pas un grand discours ou une leçon de morale. C’est justement dans les interstices que la fiction renaît : serait-il possible qu’au milieu des fossiles de coquillage, mêlés à la terre de cuisson, des plantes se mettent à grimper ? Alors, disparaîtrait même le référent ; sur les becs verseurs, les robinets, à la surface des jerricans d’essence, on se plaît à penser que d’autres formes de vie peuvent, elles aussi, envahir nos univers sursaturés.

Camille Paulan