Ile Mer Froid

Hugo Lemaire et Boris Geoffroy vivent entre Paris, Marseille et l’Aveyron
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Ile Mer Froid

Leur oeuvre à
Brezons

Sur le point chaud

S’il faut construire un four, retaper une archaïque boudineuse ou refaire un toit pour abriter l’ouvrage en cours, ces activités font partie intégrante du boulot, dans ce temps du long maintenant. Il ne peut pas y avoir d’urgence puisque les rencontres avec les choses, les paysages et les gens se font au rythme naturel. Les troncs d’arbres inspirent des céramiques, les fleurs, feuilles, racines et écorces produisent des couleurs sur de grands draps, les terres et les pierres broyées révèlent leurs teintes à la cuisson, les poudres minérales et les cendres, portées à haute température, fondent avant de vitrifier. Ce qui se produit se produit. Il n’y a pas de formes brutalement préconçues. Ils dialoguent avec les éléments, écoutent ce qu’ils travaillent. Et c’est la qualité de cette rencontre qui déterminera celle de la pièce finie. C’est une recherche d’émancipation active et adaptable, d’autonomie de décroissance, ne pas dépendre de quoi que ce soit.

C’est un paysage minéral de basaltes et phonolites, couvert sur les pentes du Plomb de profondes hêtraies. Le massif volcanique fini de s’édifier il y a quatre millions d’années. Puis il est rongé par les intempéries et les glaciations jusqu’à la dernière, il y a vingt mille ans. Elle a laissé des traces… des drumlins en forme de dos de baleine allongées, reliquats d’anciennes moraines transportées par les glaces.
Sur les pentes du Plomb, les pâturages d’estive sont un aplat vert émeraude clair au printemps où quelques burons dérivent, affleurent comme les cristaux de staurotides surgissent des gneiss. C’est là, dans un de ces burons aux portes du cirque, qu’ils se sont établis.
Sur les bords de chemins et dans les prés se dressent des trognes, souvent des frênes, émondées pour produire des rejets qui seront transformés en piquets, en fagots et en fourrage. En été ils prodiguent une ombre épaisse pour les bêtes. En hiver, ils ne sont plus que des troncs couverts de boursouflures, cicatrices des coupes et trous utiles aux oiseaux.

Dans l’atelier, les pièces façonnées à la main au colombin s’élèvent peu à peu, hautes d’un peu plus d’un mètre, à l’échelle du bras, faites d’accidents et de rehauts. Le vocabulaire pastoral du forestier s’enrichit de celui du potier. La mémoire de formes usuelles, bols, cols, becs ou anses vient se greffer sur celles du végétal, nœuds, rejets, écorces ou racines. Séchées, puis cuites dans le four qu’elles étrenneront, elles seront émaillées avec la lave du volcan, pour un glacis noir corbeau.
Il y a dans ces trognes des rêves d’Alice, période vache de Magritte, des choses marines, des paréidolies insensées, des difformités attachantes que nos mains caressent comme pour calmer la colère. Les choucas et les buses en feront sans doute des pieux de veille…

Philipe Saulle

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“Trognes, fûts et autres montjoies”

Rencontre avec le collectif