Son oeuvre à
Saint-Flour
Un texte de Philippe Manzone
« Une sculpture, Sans titre (situation), été 2014, qui s’étend au sol, et pour laquelle l’artiste Hervé Bréhier emploie des matériaux brutes, sans sophistication, et couramment utilisés dans le bâtiment : de la roche, du cuivre et du béton.
Ce type de matériau pauvre revient régulièrement dans l’oeuvre de Hervé Bréhier. Il a pu auparavant utilisé du carton, du ciment, du bois, du métal…
Pour Bourdonnement (2011), il accumule sur un billot de bois des débris de verre, pilé directement dans l’espace d’exposition. Dans farine/ciment (2010), l’artiste suspend deux sacs, l’un emplie de farine, l’autre de ciment, qui finissent par rompre sous leur poids.
Au-dessous des sacs éventrés, des monticules de poudres blanches et grises se sont formés, parfois mélangés.
Ces oeuvres démontrent l’attirance de l’artiste pour des matériaux simples et des formes contrastés1, ainsi que l’importance du processus de création, parfaitement intégré à ces sculptures et installations. Bien que proche d’une esthétique minimale, son travail est sans doute à relier à une forme d’Arte Povera, ou plus encore au mouvement japonais appelé Mono-Ha2 qui travaillait en combinant des matériaux naturels et industriels dans des sculptures-installations. Fondé à Tokyo à la fin des années 1960, leurs objectifs étaient de ramener les matériaux à leurs essences, à leurs formes primaires, chaque élément devenant alors autonome et signifiant, mais aussi de les considérer les uns par rapport aux autres, et l’ensemble par rapport à l’espace d’exposition.
On retrouve ces mêmes préoccupations dans l’oeuvre présentée ici par Hervé Bréhier. Sans titre (situation) requiert en e et plusieurs temporalités dans l’esprit du spectateur. La présence d’une roche, tout juste défaite de son bloc, évoque à la fois le devenir des formes issues de la nature, ainsi que les origines des autres matériaux disposés autour. Le béton, symbole des constructions modernes et fonctionnelles, est marqué ici d’une empreinte de bois qui estompe la sécheresse du premier monolithe.
Enfin, le tube de cuivre ondule tel un corps animal, faisant circuler le regard tout en structurant l’ensemble de la pièce.
Il devient intéressant d’ajouter que la sculpture présentée pour l’exposition a été conçue en regard de la ville de Saint Flour. L’attention de l’artiste s’est notamment portée sur les parois en pierres apparentes de la vieille ville, et sur ses formes de métal qui épousent les courbes des bâtiments, parfois de façon surprenante, et servent de rampe dans les zones escarpées de la cité. Le choix du lieu d’exposition est très justement un espace sans pierre apparente, très di érent du reste de la ville.
On saisit ainsi plus clairement le rôle joué par cet espace atypique, et la volonté de l’artiste de faire de cette sculpture un objet dédié à la mémoire urbaine de la ville.
Philippe Manzone
Mai 2014