Hélène Delépine

Vit et travaille à Nantes.

Réciprocité de l’être et du savoir-faire

Un texte de Septembre Tiberghien

« L’entre-deux, c’est sur ces mots d’apparence anodine que mon regard a buté, à la fin de ma lecture du mémoire d’Hélène Delépine. Deux mots à partir desquels j’aimerais débuter ici ma réflexion sur son travail effectué dans le cadre de la biennale Chemin d’art.

Cette expression qui désigne en premier lieu un positionnement spatial évoque également un état de latence, un moment de transition qui préfigure l’avènement de quelque chose d’autre. Séparé par un trait d’union, qui lie autant qu’il différencie, l’entre-deux partage avec l’interstice une certaine familiarité en tant qu’il fait apparaître la nécessité de combler un vide. »
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Or, il se trouve que la recherche effectuée par Hélène Delépine à St-Flour s’est menée autour de deux objets qui synthétisent symboliquement et esthétiquement deux aspects analogues, mais bien distincts de la ville ; à savoir deux architectures religieuses, la Cathédrale Saint-Pierre et l’église Sainte-Christine, qui représentent respectivement le haut et le bas de la cité. Cette analyse topographique partielle, qui découle d’une intuition de l’artiste se révèle être un merveilleux outil de compréhension pour situer sa démarche. Celle-ci se constitue à la fois dans l’observation d’un environnement et dans la tentative d’en saisir toute la dualité, en passant par des systèmes de représentation – l’image photographique d’abord, puis la sculpture – qui démultiplie les approches perceptives et instaurent un trouble opérant entre le réel et l’œuvre. C’est dans cette réunification des deux pôles que l’artiste tente de résoudre, voire de résorber poétiquement les contraires.
Entre le ciel et la terre, il y a ce monolithe de pierre qui flotte, tout droit venu de l’Odyssée de l’espace. Jouant de cette coïncidence entre les initiales de la ville et celle d’un genre littéraire et cinématographique populaire, l’artiste a dénommé les pièces de cette série S.F 6102. Mais que produisent ces images kaléidoscopiques, issue d’une manipulation sur logiciel de retouche d’images, sinon un effet de dépaysement, d’étrangement tel que pourrait procurer une rencontre du troisième type ? Au-delà de deux bâtiments patrimoniaux, se sont deux réalités, deux histoires qui se rencontrent et fusionnent grâce à une volonté démiurgique qui les métamorphose en drôles d’objets fétiches, artefacts désormais dépourvus de fonction. C’est bien de cette ambigüité, de cet entre-deux-là que l’artiste se saisit pour faire voir la ville sous un autre angle, à mi-chemin entre réel et fiction.
De cette union symétrique entre ces deux monuments naissent deux formes sculpturales en céramique, matériau qui permet d’ancrer une fois de plus le travail d’Hélène Delépine dans une histoire – celle de la fabrication de poterie dans la région et d’une praxis dont l’artiste s’empare avec intelligence et sensibilité. Entre la pratique et la réflexion, le geste s’emploie à trouver une réciproque, un point d’équilibre. En un tournemain, l’artiste arrive à réconcilier esprit et corps, art conceptuel et artisanat, high et low culture avec une aisance qui force l’admiration.