ESACM

École Supérieure d’Art de Clermont-Métropole

Mille excès mille défauts – Chaliers

Mille excès, mille défauts
« Dans le paysage seul, le principe de la critique devient vrai… »
E.A. Poe(1)

Quand on monte, parti pour une longue promenade entre rochers et falaises, suivant un sentier raide pour atteindre, peut-être, le sommet avant le coucher du soleil, on n’observe pas le paysage. Ce n’est pas que l’on n’est pas disposé de regarder ce qui se présente autour – les forêts respirantes, les rivières ondulantes, les visages bienveillants des nuages, les jeux caracolants du gravier sur le chemin, les vies secrètes des plantes à ses bords, les histoires taillées des pierres des maisons du village et parfois le blanc abyssal d’un flanc sous la neige.

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Ce n’est pas non plus que le regard n’oscille d’un flux interminable d’images de paysages qui transforment, à chaque tournure du chemin, ce que l’on voit en ce que l’on imagine.
Non, quand on monte, tant soûlant que vitalisant esprit et sens, on n’observe pas le paysage ; on en est traversé. Tout en traversant « le plus enchanteur des paysages naturels », c’est lui qui passe en nous tel un randonneur sans origine ni destination. Et par son passage, ce qui était d’abord une expérience individuante, peut devenir ensuite la possibilité d’un commun – le « nous » qui se retrouve en moi. Après cette trajectoire, une fois arrivée au plateau, ce qui s’adresse comme « moi » s’est transformé. Ceci ne se fait pas par ce que l’on prend pour beau ni par ce que l’on voudrait bien voir en tant qu’environnement naturel où « on découvre toujours un défaut ou un excès ». Ceci se fait par une augmentation de sensibilité et de disposition à la rencontre dont le paysage seul devient le principe.
Étudier dans une école d’art serait une telle montée. Marcher, sentir, sonder, collecter, cueillir et combiner, puis expérimenter, réfléchir, étayer et différencier pour enfin individuer, partager, discuter et rencontrer – ces étapes dessinent la trajectoire d’études qui forment un savoir-faire, éduque une sensibilité pour enfin, par l’interaction d’objets, de sujets, en confondant les deux, construire un « moi » qui s’adresse en « nous ». Une telle trajectoire, qui traverse les paysages
tant qu’il est le vecteur de ce qui « se passe » dans chaque personne, se manifeste, en art, par « mille excès et mille défauts ».
Les interventions des membres de la Fabrique « milieu, paysage, hors les murs » de l’ÉSACM témoignent des chemins qui ont été pris, des détours et des découvertes. Elles incarnent surtout ce que permet le « chemin d’art » : la rencontre. Honorer l’engagement de Saint-Flour Communauté, c’est investir ce que pourrait, toujours et toujours à nouveau, engager une tel rencontre,
qui ouvre nos paysages en nous – vers l’Autre.

J. Emil Sennewald