Son oeuvre à
Saint-Flour
«Érec et Énide », Romans de la Table Ronde», Chrétien de Troyes
D’armes le champ est tout couvert. Des deux partis les rangs ondulent. De la mêlée grand bruit s’élève, si grand est le froissement des lances ! Elles se brisent, percent les écus.
Les hauberts sont rompus, troués. Les selles
se vident, les chevaliers tombent. Les chevaux suent et écument. Là les chevaliers tirent l’épée sur ceux qui tombent à grand bruit. Les uns courent pour prendre rançon, les autres pour retourner au combat.
Je pratique la sculpture. Je prends appui sur l’histoire de ce médium pour développer ma recherche. J’ai produit un certain nombre de sculptures qui mettaient à l’épreuve la fonction de socle. En 2011, j’ai commencé à produire ce que j’appelle des sculptures murales. Ce sont des pièces qui se fixent au mur et soulignent l’architecture.
Pour Chemin d’art, je désirais de la même façon venir épouser la ville. J’ai choisi de travailler à partir d’une niche extérieure de l’église Saint-Vincent.
L’architecture vient faire office de socle à mes sculptures murales. C’est l’architecture qui érige ma sculpture sanfloraine. Ou plutôt, c’est l’architecture qui empêche ma sculpture de tomber.
« On peut se rappeler que la loi d’après laquelle ce qui monte doit redescendre est toujours une découverte formidable pour un jeune enfant (qui prête à chaque ballon des vertus magiques). Un adulte au contraire bâtit les fondations de son bon sens sur la chute certaine d’un objet qui n’a pas de support.
Ce qui s’élève doit redescendre. Bivouac sur la lune » Norman Mailer
Je regarde attentivement mes dernières sculptures pendant que j’en pense une nouvelle.
Celle-ci répond à « Des attractions désastre », réalisée avec 11 tubes d’acier inoxydable, mais assemblés dans le sens inverse, par le haut, évoquant un jeu de mikado qu’on s’apprête à lâcher.
Pour la sculpture sanfloraine, j’ai pensé aux cornemuses observées au musée de la Haute-Auvergne. J’écoute la Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut. Je me concentre sur l’idée d’élévation. La musique sacrée moyenâgeuse s’élève.
Je produis des formes relativement minimales. L’aluminium et l’acier inoxydable sont actuellement mes matériaux de prédilection. Additionnés à des systèmes d’assemblage-bijou, ils évoquent le médiéval.
Mes dernières sculptures sont minimales, médiévales.
Je prends en compte les cahiers des charges inhérents aux matériaux, et ceux inhérents à l’économie de l’art. C’est-à-dire que les tubes d’inox ont une longueur maximum, ainsi que les camions 20m3. Réaliser une sculpture de grande taille nécessite une fragmentation. Je l’accentue par la construction télescopique des 5 « bras ». Je pense à des antennes de radio, à des clés Allen. Je pense à « St Georges et le dragon » de Paolo Uccello, à celui de Gustave Moreau.
Mes souvenirs des lanceurs de drapeaux sont à l’origine de l’existence de « franges » sur un des « bras ». J’imagine le bruit de ces 10 morceaux d’inox mobiles qui s’entrechoquent, si la sculpture se mettait en mouvement.
Je lis beaucoup de romans, dont beaucoup de polars.
Je conçois mes sculptures comme des enquêtes.
Une somme d’éléments de prime abord hétérogènes trouve une cohérence dans la forme finale. L’enquête passe par l’observation.
J’observe le monde qui m’entoure et j’en propose une concrétion partielle, incarnée par mes sculptures.
Mon intérêt pour les romans ne m’engage pas à proposer des oeuvres narratives. Au contraire.
Je synthétise et neutralise.
À l’autre de faire l’expérience de la sculpture, de venir y vivre un moment.
Émilie Perotto