Cécile HESSE et Gaël ROMIER

Cécile HESSE et Gaël ROMIER sont un couple d’artistes qui vivent et travaillent en Haute- Loire

Cécile HESSE et Gaël ROMIER

Son oeuvre à
Saint-Flour

Un texte de Garance Chabert

Ils apparaissent comme des bribes de rêves, sur quelques hauts murs de la cité de Saint-Flour, enfants-animaux dont on ne voit pas le visage, poids plumes enveloppés de fourrure en pleine chute suspendus.

Et Nox Facta Est, Lou et Les chiens nus sont les derniers-nés de l’imagination prolixe de Cécile Hesse et Gaël Romier, dont les images savamment construites et mises en scène surprennent toujours par leur mystère et leur inquiétante étrangeté. Photographiant des accessoires personnels, parfois intimes, dans des situations décalées et souvent sulfureuses, Hesse et Romier sortent cette fois-ci les renards et les visons des placards, pour vêtir des anges qu’ils semblent promettre aux enfers. Les têtes blondes se prêtent complaisamment à cette séance de pose nocturne et glossy : shooting professionnel, dressing de luxe, flashs lustrant les fourrures.

Si les images d’Hesse et Romier flirtent manifestement avec les codes de la photographie de mode, la présence monumentale des enfants au coin des rues médiévales et sur les anciennes façades les enracinent plus sûrement du côté des personnages de contes que des mannequins des magazines de mode. Les corps graciles se muent en soyeux pelages et fines chevelures, évocation de projections enfantines au sortir du lit, entre angoisse et désir. Devant les maisons, les artistes projettent une image collective fantasmée de l’enfance, subtil mélange d’innocence et d’animalité. La fourrure, vêtement princeps, habille de tous temps l‘humanité déchue, de l’homme des cavernes à la femme fatale du jardin d’Eden, où la symbolique de la chute affleure au corps. Si la fourrure est dans d’autres photographies d’Hesse et Romier plus explicitement sexuelle, quand un museau de renardeau officie comme cache-sexe, ou qu’une fourchette et un couteau aux manches fourrées croisent le fer, elle alourdit et précipite ici, tout en l’adoucissant, le lent renversement de l’enfant. Sans résistance, les silhouettes déliées se laissent gracieusement tomber dans la noire matière insondable. Fatalité de la loi gravitationnelle et injustice théologique majeure, que ce désir d’envol inexorablement suivi d’un douloureux retour sur terre.
Les photographes inscrivent leurs anges déchus dans une tradition romantique et épique, convoquant Victor Hugo et sa fin de Satan (Et nox facta est) : « Depuis quatre mille ans il tombait dans l’abîme »
Ils m’évoquent en retour l’échange de regards, dans les Ailes du désir, entre l’ange en haut de la cathédrale berlinoise et les enfants au sol, qui seuls savent voir les êtres invisibles dans le ciel. « Parfois je suis las de mon existence d’esprit, s’attriste l’ange mélancolique, j’aimerais ne plus éternellement survoler, j’aimerai sentir en moi un poids qui abolisse l’illimité et m’attache à la terre ». Les anges d’Hesse et Romier incarnent et réalisent son voeu.

Garance Chabert

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