Antoine Dorotte

Vit et travaille à Paris.

Balbadass

Un texte de Tangi Belbeoc’h

Un étrange objet s’est posé dans le parc du château de Sailhant. Une sphère, de 5 mètres de diamètre, recouverte d’écailles métalliques. Le zinc qui la recouvre a visiblement subi moult oxydations : morsures d’acides, intempéries diverses… Astronef brûlé par les rayons cosmiques et venu s’écraser dans le Cantal ou, au contraire, antique artefact expulsé à la surface de la terre par on ne sait quel soubresaut volcanique ? Le contraste entre cet élément insolite et le cadre sublime de ce château-fort perché sur sa falaise – véritable résumé de paysage romantique avec ses ruines et sa cascade – rappelle l’argument d’un des premiers romans gothiques, Le château d’Otrante, qu’Eluard qualifiait de « drame plastique ». L’intrigue assez mince est émaillée d’images fantastiques, manifestations d’une ancienne malédiction, dont une des plus spectaculaires est l’apparition d’un heaume colossal dans la cour d’un château-fort.

Au delà de la coïncidence formelle, ce goût pour le bizarre, ces chocs d’images et ces changements d’échelles font échos à des mécanismes à l’œuvre, depuis ses débuts, dans le travail d’Antoine Dorotte. Si cela apparaît clairement pour la part figurative de son travail – armure médiévale réduite à une silhouette en deux dimensions de Maximilienne ou relecture en miniature de West Side Story dans Sur un coup d’surin – c’est aussi le cas pour des pièces qui évoqueraient plus l’art minimal : grandes formes géométriques où la matérialité du métal prend le pas sur quelque imagerie que ce soit

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Car c’est tout son travail qui est pris dans des jeux de reflets et de combinatoires où chaque œuvre est susceptible d’en générer d’autres. On pourrait presque considérer chacune d’elles comme un état – au sens où l’on parle d’état pour la gravure – d’un processus plus vaste. Un motif récurrent à cet égard pourrait être l’écaille. Elles recouvraient déjà, version explicitement reptilienne, le corps des anneaux de Suite d’O – variation autour de l’Ourobouros et clin d’œil à Donald Judd. Ensuite, elles s’autonomisent pour habiller un mur ( Aka Black Mamba ) ou de grandes sphères comme Balbabass que l’on découvre ici. Autre exemple : la série de basses électriques dans la fabrication desquelles s’est lancé L’artiste. Entièrement métallique, chacune d’elle est issue de la fonte des 36 plaques qui constituaient une installation antérieure : Magmas & Plasmas, montée en 2014 au FRAC Aquitaine.

Ces deux projets vont fusionner le temps d’une performance sonore de PAL où les trois membres du groupe joueront des premiers prototypes de ces instruments. Le concert aura lieu à l’intérieur de la sphère qui se fera, le temps d’une soirée, résonateur géant et temple dédié au métal – aux deux acceptions du terme : physique et musicale. Antoine Dorotte rebat, encore une fois, les cartes de son tarot personnel : des basses, issues de la fusion de ce qui rappelait un observatoire astronomique antique font battre le cœur du Balbabass, ce rejeton mutant du Bulbulux présenté à Rennes en 2013. Entre alchimie et docteur Frankenstein, le but reste le même : donner vie au métal.