Son oeuvre à
Cascade de la Borie
Un texte de Anne Kerner
« En toutes circonstances, il faut chercher l’optimisme », confie Anne-Marie Rognon. L’artiste sait cela. Et ne veut que cela. Elle cherche dans ses peintures, ses installations et ses vidéos, cette impulsion spontanée qui la rapproche tellement de l’oeuvre d’Henri Matisse et de l’artiste américain Howard Hodgkin : «Je suis un peintre de la représenta-tion, mais pas un peintre des apparences. Je peins des images qui représentent des mo-ments d’émotions». Et ces émotions heureuses, ces moment de joie, ce partage de paix, d’humour, de complicité, Anne Marie Rognon, dans son atelier de Clermont-Ferrand y travaille sans cesse. Et sans cesse son regard se pose sur des choses et des objets du « quotidien que je remets au goût du jour », dit-elle. Souvenir d’enfance aussi ? Comme ses bouées, ses passoires, ses piscines, ses chapeaux sans histoires et pourtant juste-ment si riches d’anecdotes, d’évocations, de fables, de mémoires, de souvenirs ou de récits… Oeuvres aux titres malicieux et espiègles, jeux de mots chers à l’artiste. Et des lieux appréciés seuls, dans l’onde merveilleuse de l’eau baignée de soleil. Des couvre-chefs posés les uns à côté des autres chargés de présence et de tellement d’absence. Mais pas seulement. Attention, pas seulement… Car les jeux d’équilibre se balancent la plupart du temps au-dessus du vide ou tout près, si près… Passionnée de littérature, nourrie des grecs et des mythologies anciennes, la voilà qui va en connaissance « des relations entre les gens à l’instar de l’ésotérisme ou de l’oracle ».
A Saint Flour donc. Une capitale de l’Auvergne suspendue à son éperon de basalte. Un pays qu’Anne-Marie Rognon connait bien, tout proche de Clermont-Ferrand. L’artiste tra-vaille dans le village de Brezons et ses 29 habitants et tout particulièrement dans les sites de Montréal, La Borie et Vidèche Dans cette ballade artistique, elle pose et dépose ses oeuvres. Et le visiteur y retrouve tout son univers. Une planète où l’échelle n’existe plus. Ou elle se métamorphose d’oeuvre en oeuvre. De peinture en sculpture et de sculp-ture en installation ! Jouissance, diversion, perturbation ! « A partir d’une toile, je tire un fil et j’arrive à d’autres toiles ou d’autres objets », explique l’artiste. Ainsi, dans cette forêt enfin réelle et enchantée, Anne-Marie Rognon installe son si cher trapèze, son portique et ses anneaux. Mais cette fois ni cimaise, ni format pictural ne l’encombre. Elle libère enfin ses objets au coeur de la nature, « dans » la nature et choisit avec minutie les lieux où le travail prend tout son sens. Les anneaux bleus ne sont plus de petites perles de petites filles mais de véritables pièces de céramiques ! Le trapèze de boules jaunes, si léger dans le vent, n’en n’est pas moins réalisé en acier peint ! Tous trouvent ainsi leur place au-dessus d’une véritable rivière ! « L’inconfort » et « La chute d’eau » prennent vie sous nos yeux éblouis ! Tandis que les trois drapeaux parfois si petits, minuscules, lilliputiens s’émancipent pour prendre leur dimensions réelles et flotter sur les sommets auvergnats ! AnneMarie Rognon, s’enivre ici, dans l’espace naturel, de cette liberté qui nourrit ses histoires et sa palette d’une allégresse où se côtoient avec bonheur des roses, bleus, oranges, jaunes et verts à faire tourner les têtes.
Nul doute, véritable équilibriste, Anne Marie Rognon tient à la fois d’Henri Matisse et d’Edward Hodgkin. Elle a créée son propre langage reconnaissable entre tous. Et si la jubilation cache une tristesse ou une quête insaisissable… Peu importe, au fond. Car on boit jusqu’à plus soif ses intarissables surprises à la saveur enfantine et ses images sur-gies d’une vision stellaire. « J’ai toujours essayé de dissimuler mes efforts, j’ai toujours souhaité que mes œuvres aient la légèreté et la gaieté du printemps qui ne laisse jamais soupçonner le travail qu’il a coûté » (Edward Hodgkin)
Anne Kerner