Son oeuvre à
Anglards-de-Saint-Flour
Les sculptures d’Amandine Arcelli s’apparentent à des organismes entretenant des relations poreuses à l’environnement qu’ils habitent. Infiltrées par l’humidité ambiante, les lourdes poches finement nappées de poudre de basalte prélevée par l’artiste sur ce même territoire, se lestent et se délestent au gré des conditions atmosphériques et des heures du jour. À l’instar d’une peau perlée de gouttelettes qui transpirent par tous ses pores, ce corps hybride respire et se meut, animé par les fluides qui le traversent de manière presque imperceptible. Emplies de silice, les gousses longilignes qui rappellent les orgues basaltiques de la région, absorbent naturellement l’eau qui vient abreuver cette créature dans un échange permanent avec le milieu qui l’accueille. Ce matériau, dont regorgent les sols alentour, témoigne de l’attachement d’Amandine Arcelli à s’emparer des spécificités du territoire sur lequel elle s’inscrit pour concevoir ses pièces. Présentée à Anglards-de-Saint-Flour, cet agglomérat de formes suintantes qui s’impose à nous, s’envisage également comme un habitacle dans lequel s’engouffrer. Dès lors qu’il entre en contact avec les parois friables de cet abri spongieux, le visiteur emporte avec lui des particules de la roche volcanique qui l’habille.
C’est ce même matériau que l’on retrouve dans l’oeuvre présentée dans la ville de Saint-Flour. Cape à échelle humaine, ce manteau-paysage à revêtir se compose d’un nuancier de sables basaltiques. Cette croûte rocheuse se conçoit alors comme une seconde enveloppe corporelle dans laquelle se lover, activée lors d’une procession le jour de l’inauguration de la biennale. Accrochée au mur à une structure faisant office de cintre, le vêtement ploie dans le vide, désormais réduit à une fonction d’apparat. L’architecture devient l’écrin de cette sculpture invertébrée, ornement nonchalamment pendu au coeur même de la ville. Le traitement de la matière, de même que les techniques développées par Amandine Arcelli, si elles peuvent évoquer des artefacts presque archaïques, représentent une manière pour elle de déceler les propriétés des éléments naturels pour les activer de manière autre. Lorsqu’elle s’applique à reproduire le processus de concrétion du calcaire ou orchestre le transvasement de l’eau par capillarité dans des travaux antérieurs, il s’agit toujours de jouer avec la gravité et les lois physiques pour recréer les mécaniques du vivant. Autonomes, ses sculptures muent et se transforment par elles-mêmes dans une conception alchimique de la matière.
Composant avec l’extérieur, ces êtres, comme dotées de fonctions biologiques, s’éveillent au contact des personnes qui les activent et de l’environnement qui les alimentent. Rassemblées sous le nom de Poupées de loess, ton manteau est fertile, ces deux pièces dont le titre fait écho à une sédimentation séculaire, portent en elles l’histoire des lieux qu’elles habitent autant qu’elles semblent issues de mythes vernaculaires.
Camille Velluet