Son oeuvre à
Saint-Flour
Lumières, hautes révolutions
Un texte de Frédéric Emprou
« Spectateur de ce monde, j’en garde cet essentiel que ses images me concèdent : un arrangement infini de ses molécules de plaisir. »
Comme en écho au Parti pris des choses de Ponge qui décrit une certaine relation au réel sous ses matérialités, le travail d’Antoine Aguilar pourrait s’évoquer à l’aune du parti pris des flux. Investigation sensorielle d’une perception de l’imagerie contemporaine, les productions de l’artiste ont à voir avec le traitement iconoclaste d’une conscience à l’heure de la sphère médiatique. Du dessin à l’installation, du cadre au dispositif prismatique, les œuvres d’Antoine Aguilar mettent en jeu l’évanescent et le sédiment, le furtif et la captation en mouvement. Projections lumineuses ou combinatoires chromatiques, il y a du fractal et de l’atomique chez ces cool memories qui se présentent souvent sous le mode de la diffusion continue et de la rêverie artificielle.
Avatar emblématique, un poste de télévision devient une pièce lumineuse qui s’installe dans le white cube d’une exposition et trouble les interprétations quand il s’allume dans un salon. Métaphore d’une esthétique du feed back, ce n’est pas un hasard si l’artiste s’intéresse à la coque de cet objet sous le modèle de l’armature et de la sculpture domestique.
Explorant le rétinien et ses allégories avec mordant, Antoine Aguilar s’inscrit dans une entreprise de déconstruction de la figure générique de l’écran et du rapport à l’univers. C’est notre regard de spectateur que l’artiste interroge à travers cette focale qui ausculte une métaphysique amusée des tubes cathodiques et des points de vue. La neige, le gluon ou le confetti en constituent les motifs narquois du paradigme moderne ainsi que les traces de voyages aux frontières d’un visible issu d’un réel prosaïque.
Espaces stellaires, vitraux mutants rappelant des toiles de Rothko qui exploreraient la sensation de dimension inédites, la pratique d’Antoine Aguilar puise à la croisée de la représentation plastique et de la cartographie scientifique. Façon de s’aventurer sur des rapport d’échelles entre l’infiniment petit ou grand, comme de balancer avec des abstractions artistiques ou physiques, l’artiste aime entretenir le même lien quant aux registres qu’il revisite et à ses influences lorsqu’il cite James Turrell ou Bill Viola, pionniers du genre en ce qui concerne vidéo et programmation de la lumière. Iconophile non dupe, Antoine Aguilar parle des ambiguïtés de l’image et joue avec ses séductions : diffractions et attractions comme les effets de leurre et les données de transformation de phénomènes.
Du point au pixel, du plasma au dessin à l’encre, l’analogie participe du détournement et d’une création d’endroits qui conjuguent la perte des repères, l’illusion d’optique et la vision éclatée. Pour la biennale de Saint-Flour, l’artiste proposera de montrer sur une façade publique de la ville, l’agrandissement d’un spectre télévisuel prétexte au défilement composite d’une bande picturale en constante animation. Politique de l’image et de ses trames, le travail d’Antoine Aguilar en donne à voir de nouvelles définitions et réceptions telles des manières de veiller au grain. Points de vue, impression d’un monde.
Kaléidoscopique et mouvant.
1. Jean-Louis Schefer, Images mobiles, P.O.L, 1999, Paris.
Frédéric Emprou